FONCTIONNEMENT DU MENTAL
Selon les enseignements du Yoga, l’être humain est composé de cinq enveloppes appelées »Koshas ».
Anna Maya Kosha enveloppe physique – Prâna Maya Kosha enveloppe d’air vitale – Mano Maya Kosha enveloppe du mental – Vijnâna Maya Kosha enveloppe de l’intellect – Ânanda Maya Kosha enveloppe de félicité.
Parmi ces cinq Koshas, deux d’entre eux «Mano maya kosha et Vijnâna maya kosha» constituent une structure appelée « Antahkarana » (l’agissant intérieur), qui se subdivise en quatre parties:
Manas les pensées – Chitta la mémoire – Buddhi l’intellect –Ahamkâra le sens du moi, de l’ego. Tout cela constitue l’organe interne régissant la pensée de l’être humain.
Chaque partie a sa propre conscience, mais reliée à celle des autres, influant sur elles et subissant leur influence réciproque que nous allons détailler.
MANAS : comprend «Man» qui se traduit par pensée. La pensée elle-même et l’organe de la pensée. Manas associé à l’intellect permet le sens de la perception. Il est très superficiel quant aux perceptions. Il est d’une extrême rapidité et d’une grande mobilité. C’est lui qui engage les organes des sens (Jnânendriyas) et les organes des actions (Karmendriyas). Il est nécessaire à l’intellect (Buddhi) comme rouage mental, car sans Manas, Buddhi serait figée.
Manas permet de faire passer dans le mental, une sensation à un état de perception, mais il est impressionnable par l’intermédiaire des sens (Jnânendriyas) ou des souvenirs. Il représente la machine mentale. Le problème est que Manas n’étant pas contrôlé, il libère en soi toutes les impressions sans aucun discernement, il sera alors très difficile de l’arrêter par le seul acte de la volonté.
CHITTA : Représente le réservoir des impressions, sorte d’ordinateur imprégné de toutes les tendances mentales, résultat de l’acceptation ou du rejet des choses de la vie courante, (désirs, peurs, craintes, formes diverses d’éducations, de tendances, de perversions), etc. Toutes ces mémoires enregistrées sous forme d’acceptation ou de refus sont automatiquement reliées au sens de l’ego ( Ahamkâra).
Toutes les formes d’ignorance, d’égoïsme, d’attachement et de haine et d’attachement à la vie, sont souvent vécues de façon douloureuse. Toutes ces afflictions sont les fruits de l’ignorance existant dans la notre mémoire (Chitta) sous l’une des quatre formes suivantes : latente, faible, dominée ou expansive. Chitta libéré de ses tendances grossières permet d’accéder à l’état de réalisation.
Chitta à tendance sattvique (équilibrée) permet des sentiments de pureté, de sérénité, de prospérité, de sagesse, l’impassibilité. A tendance rajasique (agitation, mouvement), est agité, très changeant, très sensible, il réveille les désirs, l’attachement, la haine, la jalousie, la fierté, l’amour propre, le plaisir et la douleur. Il crée les rêves. Il oscille continuellement entre le vice et la vertu, la connaissance et l’ignorance, la prospérité et l’adversité, l’impassibilité et les passions, etc. A tendance tamasique (inertie), il est plein de vices, d’afflictions, de peurs, de chagrin, d’inertie, de paresse, de sommeil, d’illusion, de haine, d’anxiété, etc. Dans cet état, les bonnes impressions (samskâras) ne peuvent naître dans la mémoire, et les bonnes actions sont inexistantes.
Chitta est donc changeant en fonction des imprégnations des gunas dominant en lui, et comme il est très sensible, il sera influencé facilement et piégé lui-même par sa propre mémoire. Toutes les réactions instantanées sont transmises à l’intellect (Buddhi) qui, en fonction de ses forces ou de ses faiblesses, par ses choix ou ses refus, imprimeront cette mémoire.
B.K.S. Iyengar dans « Yoga Dipika – Lumière sur le Yoga » enseigne : « Chitta est comme un chariot tiré par un attelage de puissants chevaux. L’un d’eux est Prâna (le souffle), l’autre est vasana (désirs). Le chariot va dans la direction du plus puissant des deux. Si le souffle (prâna) l’emporte, les désirs sont dominés, les sens sont tenus en échec et l’esprit est apaisé. Si le désir l’emporte, le souffle est en désarroi et l’esprit est agité et troublé. »
BUDDHI : Comprend le jugement, la faculté supérieure de l’être humain faite d’intelligence et de volonté. C’est le facteur de la détermination. C’est la partie qui connaît et qui juge. Elle transforme les imprégnations en fonction des décisions prises. Quand l’intellect relâche ses fonctions, elle demeure en paix, mais lorsqu’elle est tournée vers les jouissances (prisonnier de Manas), elle est la cause des servitudes. Et, lorsqu’elle est impassible, elle est tournée vers la libération.
Toutes les décisions prises par Buddhi sont immédiatement transmises à Ahamkâra qui les accepte inéluctablement. Sans l’inspiration de Buddhi, le mental et les sens ne pourraient remplir aucune fonction.
Sous l’influence de Sattva, ses caractéristiques sont : la droiture, la sagesse, l’impassibilité, la prospérité, l’absence de cruauté, la non violence, la sincérité, le contrôle de soi, l’humilité, la patience, la foi, l’affection des parents, une mémoire fidèle, la réflexion, la contemplation, la paix, etc… Sous l’influence de Rajas, l’inconstance et la mobilité apparaissent et les résultats seront : l’anxiété, les soucis, l’orgueil, l’amour propre, l’impatience, la cruauté, la recherche des plaisirs des sens, l’amour du luxe, la sensualité, la convoitise, la colère, l’avidité, la peur, l’affliction, la jalousie, l’attachement, la passion, la haine, l’esprit de compétition, l’effronterie, l’amour de la célébrité, de la chasse, l’esprit de vengeance, l’inquiétude, l’hypocrisie, etc, les décisions sont alors mêlées de faux savoir et de doutes. Sous l’influence de Tamas, les défauts tels que l’ignorance, la violence, la cruauté, l’abattement, l’athéisme, l’inertie, la paresse, l’indolence, l’insouciance, la peur, les lamentations, la lourdeur, la tromperie, la fraude, la folie, la débauche, la mauvaise conduite, la tricherie, la négligence, l’amour pour les actions criminelles, la recherche de lectures ou de spectacles obscènes, etc.
Dans cet état, l’éclat de Buddhi est ternie et, en raison de son impureté, il ne lui est pas possible de percevoir aucune pensée et aucun objet clairement. Buddhi donne les décisions définitives, peut discerner entre la droiture et l’iniquité, elle permet la distinction entre vertu et vice, vérité et mensonge, bon ou mauvais, connaissance et ignorance. Bien qu’elle puisse être embrouillée d’impuretés et être piégée par des tourbillons de pensées, elle peut se dégager elle-même de toutes ses confusions par sa luminosité naturelle et sa faculté de discrimination qu’elle découvre dans la paix intérieure.
AHAMKÂRA : Il est Ahamkâra, il représente la conscience de ses propres intérêts. Il recherche les bonnes impressions et fuit les mauvaises. Il crée l’individualité, l’égoïsme, l’exclusivité, le sens du moi dans chaque perception, action, objet ou sentiment. Dans ce plan, rien ne semble impossible. Il tire des imprégnations ; ce qui a été affirmé par l’intellect et mémorisé par Chitta et se trouve automatiquement imprégné. Tous nos troubles proviennent de l’identification à des processus mentaux, qui sont stockés dans la mémoire, car cela lie les sentiments comme étant les miens. Il est aussi affecté par les gunas.
Sattvique, il est immobile, clair, transparent, limpide, couleur d’un bleu saphir. Rajasique, il est sans repos, changeant, il intensifie alors les idées de possessions et développe l’égoïsme. Il réveille alors les impressions de convoitise, de colère, d’avidité, d’attachement, de haine, de telle façon qu’il est impossible de rendre Manas et Chitta calme. Tamasique, il rend Chitta terne, vaniteux le conduisant à des habitudes mauvaises. Il intensifie les imprégnations douloureuses. Il supprime la compréhension et augmente l’attachement au corps et aux sens.
La fonction de Ahamkâra est de faire naître des idées de possessions et d’intensifier l’égoïsme ; (je suis heureux, j’ai compris, je pense que cela, c’est mon ami ou mon ennemi, je ne peux rien faire, je ne comprends pas, c’est à moi, etc.); sont des appréciations de l’intellect liées aux imprégnations dans Ahamkâra. D’où l’importance de moins juger, moins classifier, ni interpréter.
Finalement faire le silence et prendre du recul restent la meilleure solution
Pour acquérir le pouvoir de discrimination, les sages conseillent : «Rien ne doit être fait à la hâte car le manque de discrimination est le siège de la misère. » Sinon l’intellect cherche des plans variés pour acquérir le bonheur par tous les moyens possibles et, dans l’échec, le feu de la colère flamboie et le système nerveux s’échauffe à ce feu.
D’une manière générale, le mental Sattvique montre la nature essentielle de l’être. Rajasique, il devient sans repos et changeant tout en maintenant une extrême activité. Il intensifie l’idée de possession en donnant un cachet d’égoïsme à toutes sortes de connaissances, d’objets ou d’actions. Il réveille les impressions de convoitise, de colère, d’avidité, d’attachement, de haine si bien qu’elles s’enflent. Tamasique, le mental devient terne, vaniteux, engagé dans la louange de soi, menant à des actions et des habitudes mauvaises. Il intensifie les imprégnations douloureuses excitant les sentiments méprisables et malfaisants, il supprime la compréhension et développe l’attachement au corps et aux sens.
Le mental n’est qu’un instrument. Il est par lui-même inconscient et inactif et par nature inerte, mais puissamment réactif par l’intermédiaire des sens ou des souvenirs. Si on lui supprime toute source de sensation, il devient calme, immobile, égal à lui-même. Lorsque les pensées sont déclenchées et que l’intellect entre dans le jeu, cela entraîne des réactions de pensées, d’actions automatiques avec la précision d’une réaction chimique et, si il n’est pas fait un effort de volonté pour stopper cela, l’ego se développe et affirme son identité au fur et à mesure.
C’est pourquoi dans le Yoga il est recherché un déconditionnement (percevoir plutôt que réagir) car, plus l’habitude est répétitive plus elle s’imprègne dans la mémoire. Le problème est que le mental n’aime pas changer, alors son attitude sera de rejeter ce qui ne lui semble pas conforme à ce qu’il connaît et il sera créateur de Karma. C’est pourquoi les recherches sont orientées vers ce qu’il y a de plus élevé pour acquérir d’autres automatismes plus nobles, plus respectueux.