KARMA

KARMA

KARMA

« C’est parce qu’il y a naissance et mort qu’il y a karma

« Sans karma, il n’y aurait pas de vie, et sans vie, il n’y aurait personne,

aucune chose, rien que le néant ».

L’être humain appartient à tout l’univers, dans un sens beaucoup plus vaste qu’on ne le pense. Il en est un élément, et en fait, sans l’univers, il n’est rien.

Tout se qui se passe en nous ressort de l’inconscient. Jusqu’au moment où un événement décisif nous arrive, il reste dans l’inconscient. Tout se passe comme si ce déroulement était soumis à des lois naturelles.

L’homme se sent de plus en plus chez lui dans l’univers lorsqu’il apprend à mettre ses sensations, ses pensées, ses sentiments, ses impulsions volontaires en relation juste avec cet univers. C’est la seule façon de voir comment, par le destin, on est placé dans le monde et par rapport à ses semblables.

Si l’on veut considérer la vie sous l’angle du karma, il est absolument nécessaire d’acquérir dans une certaine mesure, le don de quitter momentanément nos problèmes du quotidien, et accepter de mieux considérer les problèmes des autres. Bien sûr, c’est particulièrement difficile lorsque les autres sont dans notre vie l’instrument de compensations karmiques qui nous sont désagréables, et peut-être même douloureuses. Mais tant que l’on n’est pas capable d’agir ainsi, aucune observation karmique n’est possible.

Le mot « karma » vient du mot « karman » qui se traduit par œuvre, action, occupation, devoir acte ou rite religieux, sacrifice, résultant des actions sous forme de mérite et de démérite. C’est aussi l’état d’une personne soumise à un pouvoir, à une domination.

Comme l’être pense en Lui, il devient : Sentiments, pensées, émotions, désirs, passions, aspirations sont intégrés dans les corps mental et astral qui tissent les fils karmiques. On devient ce qu’on cultive. Si on cultive la bonté, on devient bon. Si on cultive la gentillesse, on devient gentil. Si on cultive le désir, on devient un être asservi, etc. Mais la relation de cause à effet n’est pas aussi simple à saisir car la réponse peut être directe, différée dans le temps ou bien l’effet est trop éloigné de la cause.

Du karma vient la Destinée, le Destin

La Destinée est une conséquence inéluctable faisant suite à des actes accomplis dans un passé plus ou moins lointain. Des formes d’actes et de créations décrétées à l’avance par lesquelles il faudra passer.

Le Destin représente toutes les choses qu’il nous faut découvrir. Ce qui fait écran est l’agitation mentale (chitta-vritti), les pensées parasites voiles ce qui devrait être fait. De ce fait les décisions sont faussées par une mauvaise estimation, un jugement erroné.

Trois mouvements du mental se projettent tout au long de la vie

Le premier mouvement se situe au début de l’existence, où l’être humain se soumet et s’identifie à la loi de la vie dans la matière pour en tirer son propre plaisir et son propre profit. Ce mouvement est animal car il suit aveuglément les rites prescrits, qu’ils soient philosophiques, religieux, politiques, sociaux, familiaux, etc,.

Le second mouvement se situe au moment où l’être tire de son expérience l’idée d’une règle générale, puis la dépasse, la transcende, pour s’imposer une règle de vie idéale, c’est la voie de la raison découverte, une règle de l’intelligence qui se gouverne elle-même.

Ce second mouvement fait appel à l’être vital, à ses désirs, à ses espoirs, à ses craintes de l’inconnu, et incite l’être humain à la prudence, mais aussi à franchir le pas vers l’inconnu.

Dans le troisième mouvement l’être humain cherche à s’élever au delà de l’enchevêtrement des forces et des normes vitales et mentales. C’est la recherche pratique d’une connaissance vraie et d’une vie orchestrée à l’image de son idéal.

C’est un stade où il devrait y avoir une concentration sur la manière d’être et de vivre, acquérir trop de biens superflus par exemple, ou ne pas chercher à s’approprier les biens acquis.

Extraits de la Bhagavad-Gîtâ

« Toutes les existences obéissent à leur nature, à quoi bon la forcer. Même l’homme qui sait agit selon sa nature. Tu refuses le résultat de tes œuvres, et tu en cherches d’autres, et cela te décales de ton vrai chemin dans la vie ».

« Mieux vaut sa propre loi d’action, même imparfaite, que la loi d’autrui, même bien appliquée. Mieux vaut périr dans sa propre loi. Il est périlleux de suivre la loi d’autrui. Il faut donc faire une distinction entre ce qui est essentiel dans la nature, son action congénitale et inévitable, et ce qui n’a en elle qu’un caractère accidentel, égarement, confusion, perversion, sur quoi nous pouvons certainement acquérir la maîtrise ».

« Cependant, l’être humain n’est pas comme le tigre, le feu ou l’orage, il ne peut pas tuer et dire ensuite comme justification suffisante « j’agis selon ma nature ». Il ne peut agir ainsi parce qu’il a une volonté consciente intelligente, l’intellect, qu’il doit prendre comme critère pour ses actions. S’il ne le fait pas, s’il agit aveuglement selon ses impulsions et ses passions, la loi de son être n’est pas réalisée, il agit, non pas dans la pleine mesure de son humanité, mais comme un animal ».

« Chaque être est lié à sa propre nature et c’est en elle qu’il doit chercher sa perfection, en suivant la ligne de sa loi d’action, mais dans la vie, et dans l’action, et non pas en-dehors de la vie et de l’action ».

La conscience est généralement emprisonnée dans le corps

Ajna (chakra entre les sourcils) pour le plan mental, tout ce qui concerne son activité en rapport avec manas (les pensées), et buddhi (la faculté de raisonner).

Anâhata (chakra du cœur) pour le plan émotif, toutes les réactions, émotions, peurs, craintes, tendances, les désirs etc…

Manipûra (chakra du nombril) pour le plan sensoriel, ce qui émane des sens de la vue, de l’ouïe, de l’écoute, de l’odorat, et du sens du toucher.

Mûlâdhâra (chakra de la base) le centre de la conscience physique, tout ce qui concerne les besoins vitaux du corps, les actions, manger, boire, dormir, bouger, les besoins sexuels, ainsi que tous les mouvements provoqués par l’agitation mentale et qu’il n’est pas possible de refréner.

Nous possédons cependant des forces permettant de réguler tout cela

Chitta force mentale qui permet le contrôle des organes des sens. Prâna force vitale permettant le contrôle des organes liés aux actions. Et Atma esprit ou âme, ou force causale, qui agit intérieurement.

Prendre conscience de l’existence d’un karma cosmique, universel, particulier à chaque élément manifesté dans la nature.

Il y a trois aspects de la loi du karma

Le sanchita karma représente la somme totale de toutes les actions, bonnes ou mauvaises dues à nos vies antérieures, ainsi que des actions accomplies depuis la naissance jusqu’à ce jour. C’est le karma accumulé dans le passé, mais qui n’a pas encore commencé à produire de résultat. Il peut être détruit par un travail sur soi approprié.

Le prarabda karma représente le karma inévitable de la vie présente, en relation avec les êtres et les choix des vies passées. Il a commencé à fructifier en donnant naissance à la vie et doit inévitablement produire son effet et doit être accepté et vécu jusqu’à son accomplissement.

De même que la flèche décochée par un chasseur, même s’il s’aperçoit une seconde trop tard d’une erreur de tir, ne peut plus être arrêtée dans sa course et doit fatalement achever celle-ci. Lorsque les prarabdas karmas sont épuisés, le corps tombe de lui-même, et sa mort n’affecte plus l’individu. Pas plus que la chute d’une feuille n’affecte l’arbre en automne. Il continue ainsi à alimenter le corps et le mental jusqu’à son épuisement ou fructification complète.

Le kriyaman karma représente le karma en devenir, qui n’est pas encore venu à maturité et dont les effets ne se feront sentir que dans l’avenir voire dans les vies à venir. Il dépend (dans une certaine mesure) de notre libre arbitre, un don que chacun de nous possède pour obtenir ce qui est désiré au cours du temps. Il peut aussi être réduit ou supprimé.

En parlant d’un événement « c’est mon karma », c’est-à-dire, l’événement est l’effet d’une cause mise en jeu par moi, dans le passé.

Aucune existence n’est isolée : Chaque vie est le fruit de toutes celles qui l’ont précédées, et le germe de toutes celles à venir. Le hasard n’existe pas, il n’y a pas d’accident.

Plutôt chercher en soi les raisons de ce qui nous arrive sans forcément accuser un tiers est une chose importante pour sa propre compréhension, pour sa connaissance, pour progresser.

La vie obéit à une logique, rien sur le plan terrestre et cosmique n’émane de rien, tout ce qui est construit est le résultat de quelque chose qui a été déjà préparé. Il est cependant possible d’effacer une action passée en la sublimant.

Chaque action a un double effet, elle provoque la récompense appropriée, et elle affecte aussi la personnalité. L’être humain (avec le temps) devient bon par ses bonnes actions et mauvais par ses mauvaises actions. Il va donc souffrir ou jouir de ses actions passées.

Comprendre l’étude de l’action du monde tel qu’elle est et non pas telle qu’on voudrait quelle soit. La justice du karma émane d’un juge exact où il n’y a ni pitié, ni compassion, ni pardon pour le péché ou l’action austère. Elle s’en tient à une éternelle loi mosaïque, œil pour œil, dent pour dent, une loi du talion complète, lente ou rapide, mais toujours calmement, exactement impitoyable car elle est liée à nos imprégnations et nos attitudes mentales.

Chacun est dans son propre labyrinthe, le chemin de la liberté est bien caché et, cependant chacun doit s’acheminer vers son « Moi » profond.

La Nature du Moi

Le Moi se divise en trois parties qui peuvent être comparées à quelques restrictions près, au « corps, âme et esprit ».

L’Esprit ou Atman est le « dénominateur commun » de toutes les formes de vies sans appartenir exclusivement à aucune de ces formes. Il est éternel et seul à l’être mais ce n’est pas une « entité » immortelle car « il n’y a pas, en l’être humain, de principe immuable ».

L’Âme (ou esprit de causalité) est constituée par un ensemble d’attributs caractéristiques toujours en état de changement et d’évolution. Elle est ce qui passe d’une vie à l’autre, par un processus de nature causale, tout au long d’une voie qui en finalité est censée aboutir à la perfection.

Le Corps exprime ici l’idée de personnalité composée des attributs les plus bas dénommés « skandas ». Il n’y a rien, dans l’être humain, qui l’autorise à dire : « je suis ceci et vous êtes cela ». Cette «  Hérésie de la Séparabilité » est la cause des haines et des rivalités de l’Occident car dès lors que l’on accepte que le « Je » est essentiellement différent du « Tu » et du « Vous », il se produit aussitôt un déclenchement automatique de guerres fratricides sur tous les plans, qu’il s’agisse du commerce, de la politique ou tout simplement des conflits armés.

Donc, si « l’âme » changeante est considérée comme le réservoir de nos caractères individuels jouant le rôle de véhicule d’une vie à l’autre ou, comme un ensemble d’effets résultant de causes passées, nous nous trouvons devant une entité capable d’accroissement, de changement et, par conséquent, impermanente en tant que moi séparé.

Nous avons ici le Moi (ego) celui-ci, après avoir gagné sa liberté au prix d’un long processus de purification, se trouve conscient de sa liberté. Lorsqu’il parvient à briser la dernière des Chaînes qui le retenaient à la Roue des Réincarnations, il entre dans le Nirvana.

Telles sont les trois caractéristiques de l’Être ; elles ne se distinguent pas du courant que les êtres humains appellent la vie.

« Les formes matérielles sont impermanentes. Ce qui est impermanent est générateur de souffrance. Ce qui est souffrance n’est pas le Moi. Ce qui n’est pas le Moi n’est pas à moi. Ce que je ne suis pas n’est pas mon Moi ».

Ce qui revient à dire que tout est impermanent, y compris l’âme. Ce qui est partiel, incomplet et séparé du tout par « Avidyâ », l’ignorance, est voué à la souffrance. Ce ne sera donc que lorsque les trois incendies de l’attachement, de la haine et de l’illusion se seront éteints que le Moi se trouvera enfin libéré de l’asservissement du petit moi. En attendant, le Moi doit subir les conséquences des actes du moi inférieur.

« L’individu est tout à fait responsable des conséquences de ses actes tant qu’il s’imagine en être lui-même l’agent, et il les subira aussi longtemps qu’il conservera cette manière de voir » ; car, pour finir, il n’y a pas de « Je » qui agisse ou subisse les effets d’un acte. Il n’y a qu’un long continuum que l’Illumination va faire cesser en faisant éclater à tous les vents la demeure du misérable petit moi.

Le désir

Si le mot « souffrance » est une traduction partielle et quelque peu édulcorée du terme « duhkha ». Le désir se présente en effet sous des formes très variées, depuis une convoitise sans freins jusqu’aux plus pures aspirations altruistes.

« Il s’agit véritablement d’une soif et d’un désir puissants qui sont la cause du renouvellement régulier de l’existence, accompagné de désir sensuel, et d’une recherche constante de satisfactions ; c’est un désir de satisfaire les passions et de perpétuer l’existence dans le monde des sens.

Le désir est donc composé des tendances séparatives favorisant l’existence indépendante de la personne qui le subit ; il inclus en effet toutes les formes d’égocentrisme ayant le caractère d’une recherche d’avantage personnel au détriment de tous les autres aspects de la vie, si besoin est.

Comme la vie est une, toute action qui tend à séparer l’une de ses parties des autres doit nécessairement amener de la souffrance à l’individu qui agit contre la loi, même si cela se passe inconsciemment. Le devoir de l’être humain envers ses frères consiste à les considérer comme des prolongements de lui-même et comme les différentes facettes de la même réalité à laquelle il appartient nécessairement.

Le désir en soi n’est certainement pas un mal. Le mal commence où le désir s’exerce en vue d’affirmer le moi inférieur pour nous y faire vivre et pour que nous nous y accrochions en nous identifiant à lui au lieu de nous identifier au Moi Universel. Le désir ne mourra que lorsque tout ce qui vit sera parvenu au silence du Nirvana, car le Nirvana est parfois défini comme l’extinction des trois feux, l’avidité, la haine et l’illusion.

La nature du Moi

L’être humain est défini comme un composé de cinq groupes de qualités ou attributs appelés « skandas ».

Le premier de ces attributs est Rûpa, la forme ou le corps. En ce sens, il s’agit ici du corps physique avec les organes des sens.

Le second est figuré par Vedana qui comprend les sentiments ou les sensations agréables, désagréables ou indifférentes.

Le troisième attribut est Sanna ; il englobe toutes les perceptions des sens ou du mental. C’est un jeu de réactions répondant à la stimulation des sens, défini comme « prise de conscience » ou comme idée qui résulte de cette réaction.

Le quatrième skanda est constitué par un ensemble de tendances mentales et physiques, d’éléments et de facteurs de la conscience, d’activités volontaires morales ou immorales et des processus mentaux de discrimination et de comparaison ayant pour objet les idées fabriquées sur ce plan. Nous pouvons dire que ces ensembles ne sont pas le Moi pour la simple raison qu’ils changent à chaque instant et que comme ils sont venus à l’existence ils sont également soumis à la dissolution. « Les choses composées sont toutes impermanentes ».

Le cinquième des skandas, Vinnana, est aussi périssable et passager que les autres. Il représente le centre de l’existence consciente dans ses formes perpétuellement changeantes et il peut être comparé au « courant » d’un fleuve qui conserve une forme constante et une sorte d’identité malgré le fait qu’il ne reste pas aujourd’hui une seule goutte de l’eau qui faisait le fleuve hier encore. « Vinnana » s’apparente à la conscience de soi, à la perception individuelle qui nous différencie de notre voisin. « Vinnana » constitue donc l’une des Entraves que l’aspirant au Nirvana doit briser qu’il veut parvenir à son but.

Mais tout en étant nécessairement impermanent, « Vinnana » conserve, au cours de son long voyage vers la perfection, une qualité qu’il lui faut reconnaître. Il est en quelque sorte l’âme (esprit de causalité) de l’être humain, en un sens seulement ; et ceci parce cela lui permet de se souvenir qu’il possède une part impermanente et toujours en état de changement. Le processus dont il s’agit ici est extrêmement complexe et résulte de la pensée créatrice accumulée pendant des vies antérieures dont il est impossible de faire le compte. Il provient d’un concours de forces dont l’origine se perd dans des millions d’existences passées. Ces forces s’ajoutent les unes aux autres, s’approfondissent et s’enrichissent à l’occasion de chaque nouvelle expérience.

Karma selon le Bouddhisme Théravada 

Le Karma est la loi selon laquelle la partie va rejoindre le Tout dans l’Illumination.

Littéralement c’est une action qui s’exerce à partir des causes pour aboutir à leurs effets respectifs ; c’est aussi leur interdépendance étroite.

Mais cette loi n’est elle-même qu’un des éléments d’une loi de causalité plus haute. Pour la pensée Bouddhique, l’existence est constituée par un réseau complexe d’éléments et d’actes situés sur des plans très divers mais tous essentiellement reliés les uns aux autres.

On voit qu’il s’agit ici d’une conception du monde de grandes dimensions. Elle est symbolisée par une roue animée d’un mouvement de rotation incessant. C’est la roue de la Vie (Samsara), avec douze rayons correspondant aux douze Nidanas qui représentent les facteurs de son mouvement perpétuel.

Les douze Nidanas 

Les rayons de cette roue s’ordonnent de la façon suivante. La Vieillesse et la Mort, ainsi que les souffrances occasionnées par la vie sont causées par la Naissance. La cause de la naissance « Jâti » est le Devenir, le fait de venir à l’existence, « Bhâva », qui est l’agent karmique de la réincarnation et se trouve lui-même causé par l’attachement. L’attachement est le désir de vivre. « C’est en quelque sorte l’attachement aux objets sensibles que l’être humain recherche, dans son ignorance, à s’approprier en s’imaginant qu’ils satisferont sa soif de possession provoquée par les sensations.

Par conséquent, la cause de cet attachement se trouve être le désir, désir de l’existence sensible. Cette soif, qui pousse les êtres vivants à boire l’eau salée de l’océan où ils flottent, soif des plaisirs, des ambitions, de la richesse, des louanges, de renommées ou de domination, des conquêtes, d’amour, des aliments recherchés, des vêtements somptueux, des demeures luxueuses, de la fierté des familles de vieille souche, des convoitises du jour et de la lutte pour la vie avec tous les vices et perturbations que cela entraîne.

Le désir provient de « Vedana », les sensations. Cette perception des sens est à son tour le produit de « Phassa », le contact établi entre les organes des sens et les objets qu’ils appréhendent.

Les organes des sens sont le résultat de « Nama-Rupa », littéralement Nom-Forme. Les organes des sens se comptent généralement au nombre de cinq et il leur est ajouté un sixième sens, le Mental.

« Nama-Rupa » est plus difficile à définir. Il faudrait penser à la Forme accompagnée de sa signification ou, en prenant cette notion en sens inverse, à une idée accompagnée de la forme par laquelle elle trouve son expression. Le physique et le psychique n’y sont pas considérés comme des domaines séparés et distincts mais tout simplement comme les deux côtés d’une seule et même chose. La conscience abstraite obéit à la même loi en se soumettant à des limitations qui lui permettent de s’exprimer dans le temps et dans l’espace. « Nama-Rupa » devient donc l’équivalent de personnalité, symbole incarné dans un « corps illusoire » nécessaire que la nature abstraite doit pénétrer pour pouvoir se manifester sous une forme concrète.

Nous nous trouvons alors devant l’origine de l’égotisme dans son sens de séparation, qui accapare chaque fragment de la réalité ; chacun de ces fragments s’imagine que « son » moi est séparé du Moi Universel dont il provient pourtant directement.

Les Bouddhas eux-mêmes se bornent à montrer le chemin qui amène à un état de conscience au-delà de la conscience elle-même et qui constitue l’équivalent du moyeu de cette roue qui tourne sans s’arrêter. Au centre de ce mouvement, il y a la paix.

Le karma ou la loi de cause et des effets 

Les peines ne sont pas ce qu’on pourrait appeler un « règlement d’avance » destiné à payer le prix de compensations à venir ; ils sont au contraire le règlement de dettes anciennes provenant d’actes mauvais, générateurs de mal et de souffrances, accomplis dans cette vie ou dans des vies antérieures. L’être humain est soumis à des effets mais c’est aussi lui qui en crée les causes, aux conséquences desquelles il ne peut se soustraire.

Des rétributions cachées rétablissent constamment l’équilibre de la justice divine lorsqu’il se trouve compromis. Il est impossible de faire pencher la balance. Le grand fléau de la balance de l’univers revient toujours à sa position et l’être humain, aussi bien que le fétu de paille, l’étoile ou le soleil, doit s’y soumettre sous peine de se voir écrasé par ce mouvement irrésistible vers l’équilibre.

La destinée de l’être est mise en forme par l’esprit de même que l’action n’est qu’une cristallisation de sa pensée. La plus petite de nos pensées a donc des conséquences incalculables, non seulement pour nous-mêmes mais également pour tout ce qui vit.

On comprend maintenant la puissance énorme de la haine et de l’amour que les êtres humains, avec une ignorance qui les fait ressembler à des enfants, déversent nuit et jour sur le monde. Pourtant, ces qualités si dynamiques qui sont son apanage peuvent, si elles sont contrôlées et cultivées, faire de l’être humain exactement ce qu’il veut être. Le karma se trouve, par là, radicalement à l’opposé du fatalisme.

Ce qui a été accompli par un individu donné peut être pour ainsi dire neutralisé par son auteur, avec le temps. Ce qui ne s’est pas encore produit dépend des actes que nous accomplissons maintenant. Il y a ainsi une action lente et sans défaut d’une loi qui joue dans l’univers entier.

Le Karma est une force productive qui se renouvelle sans cesse. Il peut être comparé, dans certains cas, à un nuage d’orage si chargé d’électricité que rien ne pourra en empêcher l’éclatement. Dans d’autres cas il ne sera pas plus pensant qu’une boule de neige, si petite et si timide qu’il suffira d’un effort minime pour l’empêcher de s’agrandir.

« Semez une pensée, récoltez un acte ;

Semez un acte, récoltez une habitude ;

Semez une habitude, récoltez un caractère ;

Semez un caractère et récoltez une destinée. »

Chacun possède donc plusieurs karmas, un karma racial, un karma national, un karma familial et enfin un karma personnel ; malgré leur diversité tous ces karmas lui appartiennent en propre car s’ils n’étaient pas rigoureusement à lui, il ne se trouverait pas soumis à leur domination.

La compréhension de la loi du Karma amène un sentiment de confiance en soi très sensible car plus nous comprenons son fonctionnement moins nous nous plaignons des circonstances dans lesquelles nous nous trouvons placés et nous cessons de nous tourner vers un Dieu de fabrication humaine, comme des enfants, pour lui demander de nous sauver des conséquences naturelles de nos actes. Le Karma n’est pas un dieu car les dieux eux-mêmes sont soumis à sa loi. Il n’y a que les ignorants pour personnifier le Karma et vouloir le séduire, l’implorer et lui faire mille grâces. Les gens sages le comprennent dans sa véritable nature et s’y conforment.

Dès qu’une personne humaine s’élève au-dessus de ses fautes personnelles elle élève également, si peu que cela soit, le niveau général de l’organisme auquel elle appartient. Inversement, personne ne peut pêcher ni souffrir des conséquences de ses actes sans en affecter le monde environnant.

La réincarnation

Toute action est suivie de conséquences. Une pierre jetée dans un étang produit une suite d’ondes circulaires qui se déploient sur l’eau en s’éloignant autour du point de chute à une distance proportionnelle à la violence du choc ; après quoi tout revient à l’équilibre initial. Et comme toute rupture d’équilibre se manifeste obligatoirement en un point précis, l’harmonie ne peut normalement se rétablir que si les forces en mouvement convergent à nouveau jusqu’au point d’où elles sont parties, comme les ondes reviennent reviennent au point de chute d’où elles se sont d’abord déployées. Les conséquences d’un acte reviennent également, après avoir voyagé dans l’univers, à l’auteur de cet acte, avec une puissance proportionnelle à l’acte initial.

Il faut donc considérer l’élément temporel qui joue un certain rôle dans le processus du Karma. Il serait faux de croire que les causes produites dans une vie donnée vont produire leurs effets avant la fin de la période qu’on appelle une existence humaine. Une vie sur terre représente pour les bouddhistes, une auberge sur la route.

L’âge du corps n’est donc pas une indication de l’âge de l’entité qui l’habite. Seul le corps est fabriqué par les parents, tout comme une maison est construite par un propriétaire, ce qui ne veut pas dire que le locataire qui se présente soit forcément obligé de la louer.

Le corps n’est sans doute pas créé directement par le « Moi » qui va l’habiter. Mais il représente tout de même l’instrument choisi et parfaitement adapté aux besoins de la conscience qui s’y manifeste. La vie ne meurt pas avec le corps, pas plus que ne meurent les conséquences d’un acte. Les formes apparaissent et disparaissent ; elles viennent à l’existence, assurent leurs fonctions et meurent ; mais la vie qui les soutient ne connaît pas les mêmes limitations.

La mort est la mort du corps et de sa contrepartie invisible. Le corps est venu à l’existence, il doit donc mourir un jour.

« La cause de la mort n’est pas la maladie, C’est la naissance. »

Il est donc déraisonnable de se lamenter sur la dissolution inévitable d’un vêtement temporaire d’autant plus qu’après avoir dépouillé cette enveloppe extérieure nous retournerons sur terre pour y retrouver peut-être les amis que nous avons connus autrefois. Le Karma ne compte pas avec le temps. Un lien d’amour ou de haine entre deux personnes constitue une cause qui exigera la présence de ces deux « personnes » pour parvenir à son effet naturel ; le Karma peut attendre, s’il le faut, des dizaines de milliers d’années.

La mort est la plupart du temps un repos bien gagné ; lorsque les expériences acquises au cours d’une existence, importantes ou minimes, ont été tranquillement digérées pendant cet inter-règne de la mort, il se produit un phénomène naturel qui va les faire réapparaître plus tard dans des existences ultérieures sous forme de facultés ou de capacités spéciales et de tendances innées. La mort n’est qu’un incident de la vie et, considérée à l’échelle d’un millier d’existences, elle représente un événement aussi banal et aussi dépourvu de finalité que le sommeil de nos courtes vies humaines.

La mort est donc une porte qui donne sur une forme de vie différente, strictement limitée dans la durée par les pensées et les actes de l’individu. La cause était limitée. Les effets le seront également. Ce qui est limité et fini ne peut pas être une cause d’éternité. Le Bouddha disait que chacun reçoit, après sa mort, l’enfer ou le ciel qu’il s’est fabriqué à chaque instant de son existence terrestre.