ENSEIGNEMENT DE SWAMI DAYANANDA
Qu’est-ce qu’une vie réussie – de Swami DAYANANDA
Il est né le 15 août 1930 en Inde à Manjakkudi. A huit ans lors du décès de son père, il doit assurer une grande partie de la responsabilité de sa famille et de son éducation. Il travaille comme journaliste durant quelques temps, la revue fermant ses portes, il décide d’être pilote de chasse et rejoint l’indien air force, mais on lui refuse le grade de pilote à cause de sa faiblesse physique. Comme on lui refuse une permission pour aller à la cérémonie en souvenir de son père, il quitte l’armée de l’air se sentant étouffé par l’embrigadement.
Dans les années 1952/53, après avoir entendu des conférences de Swami Chinmayananda, il s’intéresse au Védanta. Après des périodes de doutes, il devient un professeur reconnu pour son enseignement traditionnel du Védanta. « Sa profondeur de la compréhension a fait de lui ce professeur rare qui a communiqué la vision de la non-dualité aux auditeurs modernes. Il a été en mesure de faire voir la vérité de soi-même et de l’ensemble ».
En 1955 accompagné de Swami Chinmayananda, il aide à la préparation d’un manuscrit sur la Bhagavad-Gîtâ. Puis il rencontre le Guru de Swami Chinmayananda, Swami Tapovanam Maharaj.
En 1962 Swami Chinmayananda lui donne le sannyâsa, il devient Swami Dayananda Saraswati, il voyage à travers toute l’Inde à l’écoute d’autres Swamis et Sâdhus.
En 1963 il va en pèlerinage à Rishikesh et reste dans un hutte durant trois ans partageant son temps entre l’étude, la méditation et l’enseignement. Puis il enseigne de nombreuses années en Inde et en Amérique. Il crée quatre centre en Inde et bien d’autres un peu partout, il les nommes « Arsha Vidya » ou « Arsha Vidnyana », à savoir : « la connaissance des Rishis ».
Entre 1971 et 1979, il accepte de mener un programme d’études à long terme sur la vision du Védanta, son enseignement est reconnu traditionnel et rigoureux.
De 1979 à 1990 il enseignement son programme d’une durée de trois années en Argentine, Australie, au Brésil, en Inde, au Japon, Malaisie au Royaume-Uni, écrit de nombreux ouvrages.
Il s’éteint le 23 septembre 2015 à Rishikesh à l’âge de 85 ans.
UNE VIE REUSSIE
Mon histoire est celle d’une vie réussie. Tout ce que je fais est seulement un embellissement de quelque chose de beau en soi. Quand une femme belle se maquille, elle fait ressortir sa beauté. Mais si une femme qui se trouve laide utilise du maquillage, celui-ci est seulement une dissimulation. Elle n’est pas heureuse en elle-même, ainsi il n’y a pas de beauté intérieure en elle.
Vous jugez que quelqu’un a réussi d’après votre conception du succès. Un bébé est un bébé tant qu’il ne peut se tenir sans aide sur ses jambes. Il a besoin de l’aide de sa mère. Quand il grandit, il peut se tenir debout, il a dépassé ce stade de dépendance. Cependant je ne considérerais pas cette croissance comme une réussite.
La croissance d’un être humain n’est pas seulement physique. Bien que vous deveniez physiquement adulte, vous pouvez demeurer « enfant » sur le plan émotionnel, moral et spirituel. Chacun de nous porte en lui un enfant. Donc l’enfant est appelé à grandir. La nature ne s’occupera pas de cette sorte de croissance. Elle dépend uniquement de votre propre volonté, de votre propre initiative. Voilà ce que j’appelle la réussite : la croissance intérieure.
Votre venue en ce monde trouve son aboutissement seulement quand cette croissance intérieure est achevé. On me demande souvent : « Quel est le but de la vie ? ».
Le but de la vie ne peut être la mort. Dans la mort, je cesse d’être la personne que je suis maintenant, je deviens ce que j’étais avant de naître. Alors pourquoi serai-je né ? Donc la mort ne peut pas être le but de la vie. Le ciel peut-il être le but de la vie ? Si je dois y aller, pourquoi devrais-je d’abord venir ici sur terre ?
On a dit que le but de la vie est de découvrir Dieu. Êtes-vous venu en ce monde avec le sentiment que vous deviez découvrir Dieu ? En fait le but de la vie est simplement de vivre, mais de vivre complètement et non partiellement. Puisque l’on naît bébé, on doit survivre, grandir et devenir adulte.
Une vache fait cela très simplement sans aller à l’école ni en une thérapie. Elle se contente de brouter et devient une vache adulte. Puis plus tard, elle devient mère et le but de sa vie est atteint. Sa vie de vache a trouvé son accomplissement.
En tant qu’être humain, votre histoire est celle d’une réussite à partir du moment ou vous vivez en adulte. Arriver à l’âge d’adulte n’est pas une question de croissance biologique. Seul, celui qui est éveillé à la réalité est, en vérité, adulte. Voila où commence et se termine le Védanta qui enseigne aussi ce qu’est la réalité.
Il est dit dans les écritures, par exemple : « Celui qui connaît Atma dépasse la souffrance, celui qui connaît Brahman devient Brahman ». La Kena Upanishad dit : « L’égarement de celui qui ne sait pas ce qui est réel dans la vie est infini ».
Si vous ne savez pas ce qui est réel, il n’y a pas de réalité dans votre vie. Le but de la vie est de vivre. Vivre, c’est être en vie dans la réalité. Alors notre vie est réussie et tous les événements qui la marquent ont une signification.
Être vous-même est difficile parce que vous regardez en vous référant à ce que les autres disent, sur ce qu’ils font et sur ce qu’ils ont. Vous pensez à la réussite en termes de désirs satisfaits ou à satisfaire. Si c’est la votre mesure de la réussite, vous découvrirez que vous ne possédez rien et que vous n’avez rien accompli. Vous ne pouvez même pas dénombrer les désirs que vous n’avez pas satisfaits. On est humilié par nos échecs à les satisfaire. En chacun de nous se trouve tant de désirs insatisfaits. A moins de tous les satisfaire, ce qui n’est pas possible, comment pourrez-vous atteindre le succès ?
Tout le monde désire être «une réussite». Personne ne veut être un échec. Si pour vous la réussite passe par la satisfaction de tous vos désirs, vous êtes déjà un échec. Jamais vous n’éprouverez un sentiment de réussite par la seule satisfaction de vos désirs.
Dans tous les esprits, les convoitises se manifestent par des goûts et des aversions, Râga et Dvesha. Il y a attachement et aversion en relation avec tous les objets appréhendés par les sens. Puissions-nous ne pas succomber à leur ensorcellement car ils sont nos véritables ennemis. Râga, l’attachement est le désir de ce que vous n’avez pas mais que vous aimeriez avoir. Ce désir peut se porter sur n’importe quoi : un titre, un don, la fortune, ou bien avoir des cheveux sur la tête. Râga peut aussi être ce que vous avez et que vous voulez garder. Ainsi Râga a un double aspect : acquérir ce que vous désirez, garder ce que vous avez et auquel vous tenez. Dvesha, l’aversion est le contraire. Éviter ce que vous ne voulez pas, un ulcère par exemple, et vous débarrasser de ce que vous avez mais qui vous paraît indésirable, comme des cheveux grisonnants.
Râga et Dvesha sont les formes que prennent nos désirs. Qui en est dispensé ? Que vous soyez prince ou mendiant, vous les avez tous deux en vous. Comme il est impossible de satisfaire les deux, ils nous assaillent, ils sont nos ennemis.
Vos désirs ne peuvent être satisfaits en raison de vos limitations. Votre perception, votre intellect et votre mémoire sont limités. Il en est de même pour votre force physique, votre santé, votre longévité. Cela est valable pour tout le monde sans exception aucune. Comme vous pensez être voué à l’échec, vous recherchez toujours l’approbation des autres.
Vous voulez être reconnu comme quelqu’un qui réussit. Le problème est identique pour chacun : vivre avec soi-même, un soi qui veut toujours, un soi qui est un échec. Comment peut-il y avoir réussite ? Si la satisfaction des désirs et des aversions constitue la réussite, alors vous êtes destiné à devenir l’échec. La Bhagavad-Gîtâ donne la solution : « Ne tombez pas dans le piège de Râga et Dvesha ». Vous pouvez contenir Râga et Dvesha, sans pour autant vous laissez menez par eux.
Considérez ceci : une vache ne peut avoir de désir, elle vit par ses instincts. Le désir est un don propre à l’esprit humain. Notre naissance dans la condition humaine nous a doté de dons précieux parmi lesquels votre capacité de désirer. Le désir est un don, « shakti », qui vous a été donné par le Seigneur. Le désir ne constitue pas en soi le problème. Vous pouvez avoir des désirs pour autant que c’est vous qui les avez et non eux qui vous mènent. S’ils s’emparent de vous, c’est vous qui êtes possédés. Vous pouvez avoir des désirs sans vous laisser prendre au piège par eux, grâce à une certaine attitude qui vous permet le contrôle de Râga et Dvesha. Par cette attitude, vous reconnaissez simplement que vous pouvez choisir vos actions, mais non le résultat de vos actions. Vous agissez en comptant sur un certain résultat, mais il se peut que le résultat soit tout autre.
Quant vous traversez la route pour attraper un bus, vous pouvez l’attraper, ce qui correspond bien à ce que vous attendiez. Vous pouvez le manquer, ce qui est moins que ce que vous attendiez. Vous pouvez aussi être amené chez vous par un ami en voiture, ce qui est plus que ce que vous attendiez. Vous pouvez encore vous réveiller au service des urgences d’un hôpital voisin, un résultat complètement différent de celui auquel vous vous attendiez. Chaque action est assujettie à l’un de ces quatre types de résultat ; égal à votre attente, supérieur à votre attente, inférieur à votre attente ou le contraire de votre attente. Pourquoi ? Parce que, bien que vous soyez l’auteur de l’action, vous n’êtes pas l’auteur du résultat.
Il y a de nombreuses lois en jeu, des forces sur lesquelles vous n’avez pas de contrôle. Votre connaissance est limités. Par manque de connaissance, vous ne pouvez obtenir ce que vous voulez. Quelquefois c’est par manque de pouvoir. Donc lorsque vous vous apprêtez à entreprendre une action, reconnaissez ceci : des lois déterminent le résultat de vos actions et sur ces lois, vous n’avez aucun contrôle. Grâce à cette attitude, vous devenez réaliste. Si vous faites un pas supplémentaire dans la compréhension de ces lois, ce pas vous amènera sur le chemin de la libération.
Les lois ne sont pas créées par vous, mais par le Seigneur. Nous considérons le Seigneur à la fois comme le créateur et la création. La création n’est pas séparée du créateur. Donc les lois qui existent dans le monde ne sont pas séparées du Seigneur. Les lois sont les mains du Seigneur qui donnent forme aux résultats de mes actions.
Nous avons une attitude en Inde qui consiste à recevoir comme « prasadam », c’est-à-dire comme bénédiction, tout ce qui vient de l’autel après avoir été offert au Seigneur. Quand vous allez au temple, vous ne mettez pas en doute ce que vous y recevez. Votre attitude est celle d’une acceptation reconnaissante.
Le résultat de chaque action est « prasadam » puisqu’il vient des lois du Seigneur qui ne sont pas séparées de Lui. Ainsi, quand le résultat survient, vous pouvez le recevoir les bras ouverts. Avec cette attitude d’acceptation reconnaissante, vous pouvez tirer un enseignement de ce que vous obtenez, de ce que vous n’obtenez pas et ainsi acquérir de la sagesse chaque jour. C’est là la réussite de la vie au jour le jour. La réussite n’est rien d’autre que votre capacité à gouverner vos désirs et vos aversions. Seulement quand vous aurez acquis ce contrôle, vous pourrez vous accepter vous-même et là se trouve l’aboutissement de la réussite.